Bien, maintenant que les décombres du ‟ palais budgétaire ” sont mis en pleine lumière, revenons aux arguments entendus sur les plateaux télé quand un impétrant politique se prend de dénoncer tel ou tel scandale financier. Alors oui, la plupart de ces ‟ rebelles ” nous disent : ‟ il y a de l’argent en France, il suffit d’aller le prendre où il est ! ”. Voyons de quelles sommes il s’agit. |
Untel nous parle de la fraude fiscale dont on estime qu’elle se situerait entre 80 et 120 Milliards d’€ par an.
Un autre dénoncera les ristournes faites aux riches et aux grandes entreprises via les manques à gagner sur l’ISF, l’Exit-tax, la Flat-tax, le CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi transformé au 1er Janvier 2019 en un allègement de cotisations sociales), le CIR (Crédit Impôt Recherche), …
Un autre encore dénoncera le ‟ hold-up ” notoire des actionnaires par le versement de dividendes dont la France détient depuis déjà plusieurs années le record européen avec 51 Milliards distribués en 2019
On entend plus rarement parler des quotes-parts versées à l’UE, au MES, au FMI, ...
Fraude fiscale
Estimée à 100 Milliards d’€
Exonération de l’ISF
Le manque à gagner, suite aux mesures Macron, est estimé entre 3 et 5 Milliards d’€ par an, soit de 2018 à 2020, environ 12 Milliards d’€
Suppression de l’Exit-Tax (mécanisme instauré en 2011, censé freiner la fuite des capitaux vers l’étranger)
Selon les règles en vigueur, les contribuables propriétaires d’un patrimoine en actions et obligations supérieur à 800.000 euros ou d’au moins 50% du capital d’une entreprise, qui décident de s’exiler, sont redevables de cette taxe de 30%, sur les plus-values de cession réalisées hors de l’Hexagone. Sauf s’ils attendent 15 ans avant de revendre leurs actions… La mesure d’allègement souhaitée par Emmanuel Macron a fixé ce nouveau délai d’exonération à 2 ans. Ce qui a facilité infiniment les efforts des redevables pour échapper à cette taxation.
Quel que soit le délai, le rendement de la taxe pourrait devenir marginal, dans le cas où les investisseurs se décidaient, comme ils l’ont quasiment tous fait au cours des six premières années, à ne pas revendre leurs actions avant 2 ans.
En l’état, on parle de 23 millions d’€ par an (depuis 6 ans) mais si l’État voulait réellement aller chercher l’argent de cet exil, on estime que le rapport serait de 6 Milliards d’€.
Instauration de la Flat-Tax
Depuis janvier 2018, la Flat-tax ou prélèvement forfaitaire unique (PFU) fixé à 30 % réduit la taxation des revenus du capital financier pour orienter tout un chacun vers l’épargne financière plutôt que vers l’investissement et la rente immobilière.
De nombreuses analyses des répercutions de cette récente mesure tendent à afficher une hausse des recettes de 609 Millions d’€. Ce qui contredirait la version d’un nouvel avantage pour les riches, mais dans le cadre de la fiscalité de l’épargne il apparaît que beaucoup ont choisi de commuer leur taxation d’intérêts bancaires fiscalisés sous le régime du PFU qui, par effet de vase communicant, a fait baisser de 40,8 % l’impôt sur les dits intérêts bancaires.
A ce stade on ne peut estimer le manque à gagner pour l’État au profit des ‟ riches ” concernés.
https://www.moneyvox.fr/actu/75489/epargne-ce-que-la-flat-tax-coute-a-etat
CICE (Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi) et CITS (Crédit Impôt Taxe sur les Salaires affectés aux salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC) - transformé au 1er Janvier 2019 en un allègement de cotisations sociales pérennes et à effet immédiat -.
On pourra noter que ce dispositif censé améliorer à la fois la compétitivité et l’emploi est, d’un point de vue des traités européens, une énorme entorse au dogme de la concurrence libre et non faussée, pierre d’achoppement idéologique des ultralibéraux européens puisqu’il s’est agi, par le CICE, d’une subvention directe aux entreprises… Comme quoi, quand on veut, on peut. De plus, les entreprises bénéficiaires ne furent ni celles qui travaillaient à l’exportation, ni celles qui en auraient tiré le meilleur avantage à savoir les PME.
https://www.service-public.fr/professionnels-entreprises/vosdroits/F31326
2013 | 11,3 milliards d’€ |
2015 | 19 milliards d’€ |
2018 | 21 milliards d’€ |
En 7 ans, jusqu’en 2019, le coût cumulé est estimé à plus de 100 milliards d’€
CIR (Crédit d’Impôt Recherche)
Autre subvention déguisée (comme le CICE), le CIR est critiqué de toute part pour son inefficacité et ses dévoiements et coûte à l’État près de 6 Milliards par an.
Limité à quelques centaines de millions d’€ depuis sa création en 1983 jusqu’en 2005, le CIR explose à partir de 2008 à 4,3 Milliards d’€ pour atteindre 6,2 Milliards en 2019, ce qui donne en cumulé sur les 12 dernières années une somme d’environ 60 Milliards d’€.
http://observatoire-du-cir.fr/historique/
Dividendes + rachats d'actions distribués rien qu’au titre du CAC 40
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
total |
21,7 |
25,2 |
30,3 |
39,1 |
57 |
54,2 |
35,3 |
38,9 |
44,6 |
40,9 |
43,4 |
56 |
43 |
55,7 |
50,9 |
57,4 |
60,2 |
753,8 |
= 753,8 Milliards d’€ en 17 ans
https://fr.wikipedia.org/wiki/Dividende
Et on peut tranquillement arrondir à 800 Milliards d’€ et plus si l’on cherche à estimer les dividendes versés au-delà du CAC 40
Notes : Voici les dividendes distribués aux actionnaires de quelques grandes entreprises françaises au premier semestre 2020 pendant la crise du Covid
Axa | 3,46 Milliards |
Allianz | 4,7 Milliards |
BNP | 3,9 Milliards |
Sanofi | 3,9 Milliards |
L’Oréal | 2,3 Milliards |
Total (pétrole) | 1,8 Milliards |
Rien que pour les entreprises du CAC40 (à savoir qu’il n’y a pas que les sociétés du CAC40 qui versent des dividendes), nous en sommes à 36 Milliards d’€.
Quote-part UE
de 2005 à 2014 | 13,5 Milliards d’€/an |
2017 | 16,25 Milliards d’€ |
2018 | 21,5 Milliards d’€ |
2019 | 23,2 Milliards d’€ |
2020 | 24 Milliards d’€ |
En faisant une moyenne des sommes versées et rétrocédées à la France, on obtient 11 milliards d’€ par an de débit net au profit de l’UE.
Ainsi rien que de 2005 à 2020, la France aura donné à l’UE la modique somme de 176 Milliards d’€ en 15 ans.
Quote-part MES (Mécanisme Européen de Solidarité) créé en 2012
Sur 8 ans, la France a cotisée à hauteur de 142 Milliards d’€.
Quote-part à l’OTAN
Les Etats membres cotisent par tranches de 2 ans au budget de l’OTAN. La part de la France s’élève à 11 % des 2,369 Milliards d'€ de budget total, soit 130,3 Millions par an (260,6 / 2).
https://www.touteleurope.eu/actualite/otan-que-paient-les-etats-europeens.html
Quote-part FMI
La quote-part de la France à 5 % est fixe (en 2016) à 77 Milliards d’€ ‟ utiles ” uniquement dans le cas où la France devrait faire appel à ‟ l’aide ” du FMI à hauteur de 20 % de sa quote-part sous des conditionnalités d’extrême rigueur budgétaire.
Ainsi le FMI immobilise 77 Milliards d’€ appartenant à la France pour lui garantir en cas de problème une "manne" de 15,4 Milliards d’€ avec intérêts, additionnés de conditions drastiques d’austérité économique !!!
Quote-part BEI (Banque Européenne d’Investissement)
Environ 46 Milliards d’€ soit 20 % de la capitalisation de la BEI qui permet à la France d’être actionnaire de la banque. Mais la France à chaque fois qu’elle reçoit des sommes de la BEI reste redevable d’un remboursement avec intérêts. Alors ces Milliards immobilisés au capital de la BEI sont-ils pertinents alors que par ailleurs les taux actuellement en vigueur sont très bas et même négatifs ?
https://fr.wikipedia.org/wiki/Banque_europ%C3%A9enne_d%27investissement#Capital
https://www.senat.fr/rap/l18-147-313/l18-147-31315.html
Emprunts à la BEI
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
Total |
4,3 |
7,8 |
8,3 |
8,7 |
9,3 |
8,6 |
7,2 |
8,5 |
62,7 |
= 62,7 Milliards d’€ en 8 ans déjà comptabilisés dans la dette.
https://www.senat.fr/rap/l18-147-313/l18-147-31315.html
Création de France Transition en décembre 2018
Mécanismes de partage de risques pour mobiliser 10 Milliards d’€ d’investissements privés dans la transition écologique. Ce qui signifie 10 Milliards d’endettement supplémentaire puisque faisant appel au privé
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-32614-rapport.pdf
Suspendons là cet inventaire (sans doute non-exhaustif) des fuites du panier percé de notre budget national et procédons à l’addition.
Fraude fiscale |
100 Milliards (par an) |
Exonération de l’ISF (sur 3 ans) |
12 Milliards (environ 4 Milliards d’€ par an) |
Suppression Exit-tax |
6 Milliards |
Instauration Flat-tax |
N.C. |
CICE (commué en exonérations de "charges" en 2019) (sur 7 ans) |
100 Milliards (environ 20 Milliards d’€ par an) |
CIR (sur 12 ans) |
60 Milliards (environ 6 Milliards d’€ par an) |
Dividendes (sur 17 ans) |
753,8 Milliards (actuellement 50 Milliards d’€ par an) |
Quote-part UE (sur 15 ans) |
176 Milliards (environ 11 Milliards d’€ par an) |
Quote-part MES (sur 8 ans) |
142 Milliards (environ 18 Milliards d’€ par an) |
Quote-part OTAN |
0,13 Milliards (par an) |
Quote-part FMI |
77 Milliards |
Quote-part BEI |
46 Milliards (immobilisés en capital) |
Remboursements BEI |
Intérêts sur 62,7 Milliards d’€ d’emprunts |
France Transition |
10 Milliards |
Incrément annuel estimé |
Environ 210 Milliards d’€ |
Total du panier percé (à date) |
1 482,93 Milliards |
Critique du tableau
Ce tableau ne se rapporte pas toujours à des périodes suffisamment longues ni, au contraire, à des dates tout à fait récentes. D’autre part, l’extinction totale des ‟ fuites ” qu’il retrace n’est pas toujours possible.
Par exemple, il peut être envisagé d’orienter un mécanisme ressemblant au CICE vers les PME plutôt que vers les grandes entreprises, ou revisiter le CIR de façon à ce qu’il soit mieux utilisé.
D’autre part, les dividendes, à moins de nationaliser toute l’économie du pays (ce qui n’est pas non plus le projet), ne sont pas directement "récupérables".